"Juste un passage au JT" Conférence de Marius GILBERT

lundi 10 octobre 2022 19:00-22:30, Salle de l’Écuelle, Rue des 4 Fils Aymon, 21, 7860 Lessines
Conférencier(s):


Marius Gilbert -  Directeur de recherche FNRS, Vice-recteur Recherche et Valorisation, Chef du laboratoire d'épidémiologie spatiale (SpELL), Chercheur à l'Université Libre de Bruxelles

Lors de la pandémie de Covid-19, Marius Gilbert intervient dans de nombreux médias pour commenter les décisions du Conseil national de sécurité en Belgique.

Il a été un des dix membres du groupe d’experts en charge de l’exit strategy (GEES) chargé de réfléchir à la stratégie de sortie du confinement institué par la Première ministre Sophie Wilmès et prédécesseur du GEMS (Groupe d'Experts de stratégie de crise pour le Covid-19).

Récemment, il a publié un livre intitulé  Juste un passage au JT. Durant des mois, plongé dans la tempête dans laquelle se mêleront science en mouvement, hyper-médiatisation et pouvoir politique, il a essayé, avec d'autres,  de tenir un cap. Celui de comprendre ce qui nous arrive, de le partager avec tous en des termes simples mais sans en trahir la complexité, de dire ce que l'on sait et ce que l'on ignore, tout cela sans verser dans l'alarmisme ni banaliser les drames. Ce livre sorti l'an dernier rassemble avec beaucoup d'humanité et de pédagogie les notes et réflexions qui l'ont accompagné, à l'heure où la fin de cette crise se faisait toujours attendre.

Lors de cette conférence, il nous parlera de son livre et plus largement de la gestion de la crise covid ainsi que des potentielles crises futures avec toute la nuance et la bienveillance qu'on lui connait."

Photo Hermeline Jourquin


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18.30 h à 19.00 h  Accueil des participants.

19.00 h à 19.45 h Conférence de Marius GILBERT                      

19.45h à 20.15h Question-time.

20.15 h à 20.45 h Verre de l’amitié. en présence du conférencier

20.45 h à 22.00 h Repas (facultatif) 


INTERVENTION DE CHRISTINE GRIGOLATO PRESIDENTE RC LESSINES

Le Rotary Club de Lessines, est particulièrement fier de vous accueillir ce soir pour cette nouvelle conférence organisée en collaboration avec le Centre Culturel René Magritte.

Notre club fêtera l’année prochaine ses 30 ans et ce sera l’occasion de se rappeler que nous étions lors de sa création le premier club mixte de Wallonie.  Depuis lors nous agissons sans relâche pour assurer notre rôle de service club tant du point de vue local, national et international en se focalisant sur les causes défendues par le Rotary International :

·        La promotion de la paix,

·        La lutte contre les maladies

·        L’approvisionnement en eau potable, l’assainissement et l’hygiène

·        La santé des mères et des enfants

·        L’éducation,

·        Le développement des économies locales

·        .. et plus récemment l’environnement.

Notre club s’est ainsi impliqué dans de très nombreuses actions concrètes :

·        une plaine de jeux,

·        l’achat d’un véhicule adapté mis à disposition des personnes à mobilité réduite,

·        la plantation d’arbres sur le Ravel de Lessines et ses villages,

·        l’achat de gourdes pour les enfants des écoles de notre commune,

·        le soutien à la vaccination mondiale contre la polio

·        et puis, et c’est vraiment d’actualité, la possibilité pour nos jeunes à partir de 16 ans de voyager pour quelques semaines ou pour une année au bout du monde.

Nos prochaines actions concerneront une balade canine dès dimanche prochain en faveur des refuges pour animaux et ensuite un concert de Noël sur un air de musique tsigane et balkanique avec le groupe O’tchalai pour soutenir l’ensemble de nos actions. Ce sera pour le 17 décembre.

Si tous ces sujets vous intéressent, je vous propose de vous adresser aux membres de notre club. Nous vous renseignerons avec grand plaisir.

Je vais inviter maintenant notre jeune membre Florence Pottiez qui est à la base de cette conférence. Merci Florence d’avoir pris tous les contacts nécessaires pour pouvoir recevoir ce soir Monsieur Marius Gilbert.

PRESENTATION DU CONFERENCIER PAR FLORENCE POTTIEZ

Marius Gilbert est ingénieur agronome de formation, directeur de recherches FNRS et spécialiste des maladies émergentes issues de la cohabitation de l’homme et des animaux et de la modification de leurs environnements.

C’est en ces titres qu’il a été invité à plusieurs reprises sur les plateaux télévisés, dans les débats dominicaux, dans les pages de vos quotidiens ou sur les ondes de vos radios début 2020 lorsque la crise sanitaire commence. Il a rapidement rejoint le GEES, le groupe d’experts du gouvernement fédéral qui conseillait le Conseil national de sécurité sur une stratégie de sortie de la crise sanitaire.

Très vite, il se distingue de ses confrères par l’empathie qu’il témoigne pour tout un chacun, le soin qu’il accorde à une bonne compréhension de la situation, sa grande pédagogie.

Dans son livre «  Juste un passage au JT », il avance d’ailleurs l’importance pour la communauté scientifique d’améliorer sa communication pour alimenter la prise d’opinions et le débat public. Il revient rétrospectivement sur cette situation d’urgence orientée sur des décisions alliant les motivations scientifiques aux considérations sociales et économiques, devant tenir compte de notre lasagne institutionnelle, du véhicule législatif et être très opérationnelles, il repositionne le processus d’élaboration des évidences scientifiques qui évolue, se corrige, s’approfondit s’étudie entre pairs.

Dans son livre, il traite aussi de sa sortie de l’anonymat, du poids de la parole des experts et du traitement qui en était fait par les médias. Il salue finalement la victoire de cette conscience collective, de cette solidarité, de cette humanité, mais souligne aussi la confrontation avec les libertés individuelles, les risques du manque de confiance (notamment sur la question de la vaccination à l’égard du secteur pharma), les dangers de polarisation de la société . Enfin, il insiste sur l’importance de se mobiliser – hors danger immédiat- sur les causes profondes de l’émergence et de la propagation de virus comme la perte de biodiversité, changements climatiques, bouleversements des environnements.

Je lui cède maintenant la parole pour vous détailler son livre et les leçons qui peuvent en être tirées pour améliorer notre gestion de crise. 

CHRONIQUE DE MARIUS GILBERT

En guise de résumé de la brillante conférence de Marius Gilbert mais aussi des nombreuses interventions du public, nous vous proposons une des chroniques hebdomadaires de Marius Gilbert dans le Soir parue le lundi 12 septembre 2022



La chronique de Marius Gilbert

La gestion de la crise du coronavirus, plus jamais ça?

Il serait impensable que nos gouvernants n’aient pas déjà préparé un plan d’action afin que nous puissions faire face efficacement et sereinement à un éventuel rebond de l’épidémie de covid... ou à l’apparition d’un nouveau virus.


Là, au premier rang, un homme d’une cinquantaine d’années, le premier à lever la main pour demander la parole :

– Mr Gilbert, à quoi est-ce qu’on peut s’attendre ? Est-ce que cela va recommencer ?

Nous sommes dans une petite ville wallonne vers la fin du printemps, je viens de terminer mon exposé. L’accueil a été chaleureux, un texte d’introduction assez subtil et une présentation ironique de la place des experts à l’avant-plan médiatique. Le public est plus clairsemé que d’habitude, mais nous sommes vendredi soir. Il fait magnifique, la Belgique revit et l’appel du barbecue a dû en décourager certains. Et puis, tout le monde en a un peu marre du covid. Mais l’homme a l’expression un peu tremblante. Je le mets sur le compte de la nervosité et m’apprête à répondre, mais il enchaîne. Cette fois, la voix chancelle, s’étrangle, il est pris par l’émotion :

– Parce que moi, ça, ce que j’ai vécu, je ne pourrais plus… On a été abandonnés, j’ai été abandonné, j’ai dû prendre des décisions terribles, j’étais tout seul, je…, je n’arrive pas trop à y repenser, dormir, mais ce que je sais, c’est que je ne serais pas capable de revivre ça.

Au cœur des pires journées de 2020

L’atmosphère change en un instant. Du ronronnement de mon récit d’une histoire qui semble déjà ancienne, nous basculons au cœur des pires journées de 2020. Je comprends qu’il est responsable d’une collectivité pour personnes en situation de handicap. Pour aborder l’avenir sereinement, il est parfois nécessaire de retourner dans le passé. Dans cette salle à la lumière tamisée, nous le faisons dans le silence et la gravité.

Ils furent des centaines, des milliers d’acteurs de terrain à devoir comme lui improviser des solutions. Faire front avec ce que l’on a sans savoir à quoi on fait face. Gérer le manque d’équipement, quand il y en a. La débrouille pour sauver des vies. Bricoler des respirateurs avec des masques de plongée, faire des pièces avec des imprimantes 3D, des visières avec des transparents, compter sur les proches pour les masques. Affronter les défections en cascade, devoir rassurer les autres en ayant la peur au ventre. Perdre des collègues, des patients ou des pensionnaires, sans jamais être sûr qu’on a fait tout ce qu’il fallait pour l’éviter. Apprendre à vivre avec ses doutes. Et chacun à son niveau, parfois plus éloigné du terrain, prendre des décisions lourdes de conséquences. Mais c’est comme ça, il faut tenir, serrer les dents. « Des erreurs ? Oui, peut-être, on verra après… ». Parce qu’il faut bien que quelqu’un décide, fasse le boulot. On se serre les coudes avec celles et ceux qui sont là et on tient. Manque de sommeil, anxiété, épuisement, aller « dans le rouge » sans savoir pour combien de temps. Rentrer chez soi, chercher à se vider la tête des images du jour, parcourir le fil Facebook des amis et déjà, tomber sur des « ce n’est qu’une grosse grippe », « on en fait trop », « et nos libertés… ». Serrer les dents, manger en silence, tenter de trouver le sommeil et au matin, repartir. L’énergie du dévouement pour carburant.

Avons-nous bien intégré les leçons ?

La discussion revient vers le présent et la question initiale. On respire, on tousse, on ajuste sa position sur sa chaise, on est sorti en pensées du tunnel. « Est-ce que ça va recommencer ? » Non. Avec les vaccins, les thérapies, la prévention, les procédures, tout ce que nous avons appris, il n’est plus imaginable que ne soyons jamais amenés à revivre ça avec le covid.

Mais qu’en serait-il pour un nouveau virus ? Avons-nous réellement intégré toutes les leçons dans un plan pandémie qui nous permettrait de mieux faire face à l’avenir ? Pas encore… Nos autorités sortent à peine de la gestion de crise du covid, il est sans doute encore trop tôt. Mais les urgences se suivent et se télescopent. Le dernier Codeco portait sur l’énergie. Tous les regards sont maintenant tournés vers les graves ramifications de la crise énergétique qui s’avance vers nous, cette fois encore, à l’approche de l’hiver. Quel espace politique reste-t-il pour porter la nécessité d’un plan pandémie ? Lorsque l’on mesure l’impact qu’a eu cette pandémie sur notre vie collective, on frémit à l’idée d’un virus qui serait nettement plus virulent, ou pour lequel les personnes les plus à risque de décès auraient été les enfants ou les jeunes. Le covid-19 s’est peut-être normalisé, mais le risque pandémique n’a pas disparu avec lui.

Bien sûr les nouvelles urgences doivent être rencontrées en priorité. Mais si nous ne faisons que les gérer les unes derrière les autres, sans consacrer une part importante de notre énergie collective à transformer notre société plus en profondeur, nous sortirons de chaque crise aussi vulnérables que nous y sommes entrés.

Une nuée de pathogènes candidats

La variole du singe a touché des centaines de personnes chez nous, l’OMS a déclaré qu’il s’agissait d’une urgence sanitaire internationale et des Belges se sachant à risque, mais ne pouvant documenter deux infections sexuellement transmissibles sur les 12 derniers mois durent aller se faire vacciner à… Lille. Il y aurait trop peu de vaccins, la commande est en cours, on aura les suivants à l’automne. Cela résonne avec de mauvais souvenirs.

Et des pathogènes candidats, il y en a. Depuis deux ans, une large diversité de virus hautement pathogène d’influenza aviaire (IAHP) H5Nx s’est développée en Europe du Nord dans les populations d’oiseaux sauvages. Des milliers d’oiseaux en sont décédés en Écosse, renforçant le risque d’extinction de certaines espèces. Le virus s’est propagé à l’Amérique du Nord, vraisemblablement en passant par l’Islande ou le Groenland et l’on observe des infections chez le phoque commun ou le renard, associées à des modifications génétiques permettant l’infection des mammifères. Il y a déjà eu des infections de personnes par ce type de virus dans le passé et celles-ci n’ont heureusement jamais mené à des transmissions soutenues de personne à personne. Mais ces évolutions imprévisibles doivent nous rappeler que nous ne pouvons considérer que le risque appartient au passé.

Ne pas laisser place à l’improvisation

L’humanité a toujours vécu avec les pandémies. Il est irréaliste d’imaginer que l’on puisse les empêcher. Par la collaboration internationale, nous pouvons les détecter et réagir là où ces nouvelles émergences surviennent. Mais si malgré cela, une nouvelle pandémie devient inévitable, nous devons être préparés de manière à en minimiser l’impact chez nous.

Cette préparation passe par le fait d’envisager l’ensemble des scénarios pandémiques et d’identifier la gouvernance, les ressources, infrastructures, personnes et procédures à mobiliser pour chaque situation, comme on le fait pour la prévention d’autres risques. Cela passe par le fait que cet homme comme ces milliers de personnes qui furent contraintes d’improviser les moins pires décisions dans l’urgence, sachent quelles actions mettre en œuvre si une nouvelle pandémie venait à survenir, et de s’assurer qu’elles aient les moyens matériels et humains de le faire.

C’est un travail important, un travail de fourmi, un travail indispensable, à la hauteur de l’impact économique, social et humain que nous avons subi.

RESUME DU LIVRE

Le 12 mars 2020, Marius GILBERT est contacté pour commenter les décisions du Conseil national de sécurité au JT du soir. Problème, Il avait prévu de passer la soirée avec sa fille de 17 ans. Elle l’accompagne à la RTBF et il lui dit que ce sera juste une intervention de trois minutes. Sauf que le Conseil traîne et il se retrouve embarqué dans un direct de près de trois heures durant lesquelles il faut meubler. Sur le plateau, nous parlons des épidémies qui révèlent les failles des sociétés, de la place des experts dans les décisions politiques, des incertitudes scientifiques, de l’importance de la communication. Sans le savoir, nous dessinons les contours d’une crise dont nous ne mesurons encore ni la longueur ni la profondeur.

Durant des mois, plongé dans la tempête dans laquelle se mêleront science en mouvement, hypermédiatisation et pouvoir politique, il a essayé de tenir un cap. Celui de comprendre ce qui nous arrive, de le partager en des termes simples sans en trahir la complexité, de dire ce que l’on sait sans verser dans l’alarmisme ni banaliser les drames.
Son livre témoigne de son expérience et expose mes réflexions sur les enjeux de cette crise, la réponse qui y a été donnée et ce que nous pouvons en apprendre.
Alors que cette crise n’est pas encore terminée, l’épidémiologiste Marius Gilbert nous livre son vécu de l’intérieur et amène une réflexion approfondie sur la gestion de la crise sanitaire en Belgique.

https://www.babelio.com/livres/Gilbert-Juste-un-passage-au-JT/1354274

 

 

La participation aux frais de la conférence est fixée à 10 € par personne et 7 euros pour les abonnés du CCRM (gratuit pour les moins de 26 ans)

A l’issue de la conférence et du verre de l'amitié, sans aucune obligation, vous êtes invités à participer à la réunion statutaire du RC Lessines en présence du conférencier. La participation aux frais de repas est fixée à 37 € par personne (entrée à la conférence comprise) 34 euros pour les abonnés du CCRM et 30 euros pour les moins de 26 ans .

Pour la vente de tickets , suivre le lien : 

 https://www.ticketmaster.be/event/52487?language=fr-be

 


Photo Hermeline JOURQUIN

Photo ULB

Photo Hermeline Jourquin

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